Cheval Blanc est le premier grand château dont les vins sont déjà sortis dans le cadre de la campagne des primeurs de Bordeaux 2020. Dans l’article ci-dessous, l’équipe du Château répond à quelques questions clés sur le millésime de cette année, notamment sur la façon dont les données Liv-ex ont été utilisées pour déterminer les prix de sortie des vins.
Les restrictions liées à la crise Covid empêchant les déplacements, de nombreux professionnels n’ont pas pu goûter vos vins avant que ceux-ci ne soient proposés à la vente. Quelle influence cela a-t-il eue sur la planification de la sortie ?
Dans des circonstances normales, l’objectif des dégustations en primeur est de réunir les critiques les plus expérimentés et les membres du commerce mondial pour un échange d’opinions. Les commentaires de ces acteurs améliorent notre propre compréhension de chaque millésime.
Mettre notre nouveau millésime sur le marché sans donner aux critiques (au-delà des frontières de la France) l’occasion de l’évaluer a été une décision extrêmement difficile à prendre.
Les décisions d’achat sont en effet prises en tenant compte à la fois de la qualité et du prix. Nous comprenons parfaitement l’importance des notes des critiques et partant de là, il y a de nombreux inconvénients à sortir un vin sans une évaluation internationale complète de sa qualité. Cependant, à notre avis, il n’y a pas de pire revers que d’envoyer des échantillons de vin inachevé dans le monde entier. Cela ne rendrait certainement pas justice au Château Cheval Blanc.
Dès que cela sera possible, nous serons heureux d’accueillir à nouveau les professionnels pour une dégustation au château.
Pouvez-vous nous donner une idée du style des vins de cette année ? Peut-on comparer le nouveau millésime à d’anciens millésimes ?
Nous essayons de ne plus classer nos millésimes, car le faire est épuisant pour nous et nos clients. Chaque fois que vous interrogez un producteur sur la qualité de son vin, il vous répond toujours que le plus récent est le meilleur !
Nous préférons donc tenter d’expliquer nos millésimes dans les détails, plutôt que de les classer. Depuis des siècles, le Cheval Blanc est produit à partir du même grand terroir. Et les grands terroirs donnent de grands vins. Nous ne voulons pas répéter la même chose chaque année et préférons nous concentrer sur la description du style, sur les conditions de production, ou sur la personnalité propre d’un vin.
Le millésime 2020 est un vin élevé dans des conditions extrêmes. Le début de la saison a été extrêmement sec, avec sur le domaine le déficit en eau le plus important depuis 1959. C’est pourquoi ce nouveau millésime, axé sur les tanins, affiche une telle structure et densité. Ensuite, il a fait extrêmement chaud avec plus de 10 jours au-dessus de 30 °C au moment des vendanges ; ce qui a conduit à un nez expressif, intense et charmant.
Mais la période la plus déterminante pour le millésime 2020 a été le printemps, plutôt que l’été. Une bonne pluviométrie et des températures douces ont favorisé une croissance homogène et régulière de la vigne, ce qui lui a permis d’accumuler tout ce dont elle avait besoin pour prospérer tout au long de l’été très chaud qui a suivi. Nos terroirs d’argile et nos vignobles de vieilles vignes ont su réguler les plantes tout au long de la saison pour leur permettre de conserver une certaine fraîcheur.
Au final, ce sont les caractéristiques d’un été contrasté et excessif qui transparaissent dans les vins du millésime. La sécheresse a conduit à une structure dense, la chaleur à un nez intense et expressif, mais grâce au printemps, les vignes ont acquis la résilience nécessaire pour ne jamais franchir la ligne rouge. Les vins sont donc denses sans pour autant être durs, mûrs sans être cuits, riches sans être lourds !
En bref, bonne nouvelle : les vins font parfaitement état des conditions climatiques que les vignes ont traversées. C’est exactement pour ces raisons que nous produisons du vin : mettre en bouteille le terroir et les caractéristiques d’un millésime.
Qu’en est-il des niveaux de production à Saint-Émilion cette année ?
Nous ne pouvons pas répondre pour l’appellation Saint-Émilion en général, mais la production à Cheval Blanc est en baisse par rapport au millésime précédent. Toutefois, nous ne sommes pas à plaindre : les sols argileux de notre vignoble ont permis aux raisins de conserver une certaine fraîcheur, et le système d’enracinement profond de nos vieilles vignes a permis aux fruits de se développer correctement, évitant que les rendements soient trop affectés.
Vous avez pris beaucoup de gens par surprise avec la sortie précoce du nouveau millésime. Quel a été votre raisonnement ?
En effet, nous avons pris le marché par surprise ! Nous connaissions le prix de lancement depuis des semaines, ainsi que le message qui allait accompagner la sortie et les volumes que nous souhaitions libérer. Une fois l’accord des familles propriétaires obtenu, il n’y avait plus de raison d’attendre. Une fois les vins dégustés par les professionnels ayant pu se rendre sur le domaine, nous avions le sentiment que la campagne devait se dérouler rapidement.
D’après les retours que vous avez, comment le marché a-t-il accueilli ce lancement jusqu’à présent ?
Dès leur ouverture dans la journée, les différents marchés internationaux ont immédiatement trouvé l’offre intéressante. Les négociants ne cessent de nous envoyer des listes de distributeurs du monde entier avec des allocations insuffisantes. Nous avons fait de notre mieux pour mettre un bon volume de ce nouveau millésime sur le marché – 20 % de plus que l’année dernière malgré une production plus faible – mais nous devons maintenant garder le volume restant dans les caves du domaine pour notre stock à long terme.
Comment avez-vous fixé le prix de votre vin pour la sortie en primeur ? Quels sont les outils et les données qui vous ont aidé à le fixer ?
Nous nous sommes principalement appuyés sur deux ressources. Pour commencer, les données Liv-ex reflètent avec précision le marché B2B. Nous avons en particulier utilisé l’outil Liv-ex de détermination de la « juste valeur ». Cela nous a permis de positionner le prix de sortie par rapport à nos autres millésimes sur le marché. Nous avons également écouté les conseils des courtiers de La Place de Bordeaux, l’organisme qui distribue l’essentiel du vin dans le monde.
Il est intéressant de voir comment ces deux ressources peuvent donner des indications différentes lorsque le marché est en proie à des secousses, ou des indications convergentes lorsque le marché sait dans quelle direction s’orienter. Nous avons également regardé les prix au détail en ligne.
Selon vous, qu’est-ce qui fait qu’une campagne des primeurs est réussie ?
Une campagne réussie doit combiner succès sur le plan commercial et succès sur le plan de la communication. Elle doit générer de la demande dans toutes les zones géographiques et jeter les bases d’une progression sur le long terme du prix de nos vins.
Pour lire l’analyse de Liv-ex sur la sortie en primeur du Cheval Blanc 2020, cliquez ici.